Chasse à l'Apex [Mission tuteurée]

La Fausse Couche n'en avait pas terminé avec son infâme carrière : elle ne faisait que continuer sous des augures encore plus sombres que les précédents. Le contrat passé avec la Hills lui imposait de liquider un adversaire de taille - un chasseur Prices, reconnu comme tel par son puissant peuple barbare et sans pitié.
Une Expérience à écailles représentait déjà un challenge en soi, mais celle qui porte le nom de Jacob sortait radicalement du lot.

Daya Trifide était ni idiote ni suicidaire : toujours dans l'ombre, elle avait tout d'abord pris soin de collecter de précieuses informations sur le compte de cette monstruosité nommée.
Face à un vieux Prices tel que lui, elle ne pouvait pas se permettre la moindre erreur. Un reptile qui a de la bouteille est forcément un reptile rusé. Malgré son jeune âge, la Caustique aux talents morbides était bien placée pour le savoir...
Alors si ce démon de Prices, redouté même par les siens, a choisi de vivre à l'écart de la meute et qu'aucun de ses congénères n'est jamais parvenu à l'arracher à son fief, cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : il n'avait pas usurper sa réputation.

A peine eut-elle posé le pied sur le territoire concerné que L'ancienne Gwendolyne, qui avait basculé assassine, se surprit à songer au Vieux Fou qu'avait été son mentor.
Lui aussi avait choisi de vivre en reclus, et il avait mal fini...
Le cœur froid de Caustique noya sa nostalgie sous une solide couche de givre ; Jacob subirait le même sort que feu le Cinglé, aussi baptisé l’Irascible.
Daya Trifide ne s'était pas infiltrée dans son territoire afin de sauver ce Prices-là d'une puissante névrose ; elle ne transportait aucun médicament, et ne comptait pas convaincre la bête à grande gueule de l'accompagner ou que ce fût.
Avec ses lames imprégnées des poisons les plus efficaces de la région, la Fausse Couche nourrissait simplement l'espoir d'arracher la vie à cette enveloppe monstrueuse.
Je tue pour survivre, et la vie de cet apex met un frein à la mienne. Il est donc tout à fait logique que j'y mette un terme moi-même.
Elle y était déjà parvenue une fois dans son ancienne vie. Il ne s'agissait que de reproduire le geste sur un Prices qu'elle détestait autant que tous les autres.
La hâte est un mauvais guide.
Voilà pourquoi elle avançait sous le couvert de la végétation sans jamais faire le moindre bruit susceptible de compromettre sa positon.
 Les tourbes étaient son terrain de jeu, et son âme de vipère lui intimait avec le plus grand professionnalisme de prendre en traître la tête couronnée de ses contrées hostiles.

Le ciel était grisâtre, l'air humide. Un temps décidément parfait pour la chasse se disait le dénommé Jacob qui glissait de nouveau son corps à moitié crocodilien dans la tourbe, le goût de la chair fraîche encore en bouche alors qu'il laissait derrière lui la carcasse d'un quelconque lézard des marais. Un petit cadeau pour les autres créatures lui étant inférieures de la région.

Presque dans un silence complet, l'apex se dirigeait donc nonchalamment vers son antre, ses yeux reptiliens guettant constamment les alentours comme ils l'avaient toujours fait, l'attitude alerte mais sans inquiétude quelconque. Cela faisait longtemps que rien ni personne n'était venu lui contester le contrôle de son territoire, et l'idée que quoi que ce soit pouvait représenter une menace pour le prédateur émérite qu'il était ne pouvait simplement pas lui venir à l'esprit.

Non, tout ce qui occupait les pensées du terrible Jacob était le plaisir que le confort d'une bonne sieste dans son antre lui procurerait après une chasse de bon matin...

La Caustique avait eu mille fois raison d'attendre avant de daigner se lancer : sa proie, qui n'en était pas une aux yeux de tous les créatures habitant ces maudites tourbes, réintégrait son petit coin de paradis avec l'attitude d'un propriétaire intouchable - mais vigilant - qu'absolument rien ne pourrait ébranler.

Daya en profita pour mieux l'analyser. Jacob pesait son poids mais sa façon de se déplacer prêtait à penser le contraire. Il était diablement imposant, et certainement tout aussi souple. Vieux, oui, mais ce détail n'avait rien de terrible chez un Price - bien au contraire. Dans un pur duel de force, la Fausse-Couche finirait assurément broyée comme une vulgaire chips ! Il était donc impensable pour elle de s'en prendre de front à l'apex. Et elle doutait fort qu'un authentique membre de sa race puisse lui opposer résistance.
Mais cest avec une joie contenue qu'elle se rendit compte que sa cible ne profitait pas de toute son allonge. Sa démarche, en l’occurrence, sous-entendait, de par l'espacement réduit de ses pas dans la terre humide, qu'il s'était bien dépensé avec cette dernière promenade. Il aurait donc besoin de se reposer un peu...
Mais sa sieste sera peut-être beaucoup plus longue que prévu.
Elle attendit cinq bonnes secondes qu'il fût rentré dans son antre avant de longer les buissons pour s'en approcher à pas feutrés, puis tendit l'oreille deux fois plus longtemps, sans bouger d'un pouce, en quête du moindre bruit qui pourrait lui donner une idée des occupations de l'apex.
Mieux valait qu'elle ne pénètre pas chez lui pendant qu'il se chercherait une position plus confortable...